Perrier: L’Eau Minérale Naturelle qui Redéfinit la Naturelle ?

Le feuilleton autour de l’eau minérale naturelle de Nestlé Waters connaît un nouveau rebondissement, et pas des moindres. Contre toute attente, Perrier, et d’autres marques du groupe, pourront continuer à être vendues sous l’appellation « eau minérale naturelle » malgré l’utilisation de traitements de purification controversés. Une décision du gouvernement français qui fait grincer des dents et soulève des questions fondamentales sur la définition même de la naturalité.

Tout a commencé par un scandale retentissant : Nestlé Waters a admis avoir eu recours à des traitements interdits pour l’eau minérale naturelle, notamment des filtres UV et au charbon actif, sur des marques comme Perrier, Vittel, Contrex et Hépar. La réglementation française et européenne est pourtant claire : une eau minérale naturelle doit conserver sa pureté microbiologique originelle et sa composition stable, sans subir de désinfection. Seuls certains traitements physiques comme l’aération ou la décantation sont autorisés pour retirer des éléments instables comme le fer.

Une « Sécurisation » qui fait débat

Face à l’ampleur de la tricherie, le gouvernement avait initialement sommé Nestlé de cesser ces pratiques. Mais la donne a changé. Un décret du 13 septembre 2023, qui vient d’être explicité, permet désormais aux eaux comme Perrier de bénéficier d’une dérogation. Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire justifie cette volte-face par la nécessité de « sécuriser la filière » et de répondre aux « pressions environnementales » qui rendent difficile la recherche de sources répondant aux critères stricts de l’eau minérale naturelle sans traitement. En d’autres termes, plutôt que de résoudre la pollution des sources, on adapte la loi.

Indignation des associations et eurodéputés

Cette décision est un coup de massue pour les défenseurs des consommateurs et de l’environnement. L’association Foodwatch dénonce un « véritable scandale », une « légalisation de la fraude » qui pervertit le concept d’eau minérale naturelle. Pour Foodwatch, c’est un « pari risqué » sur la santé des consommateurs, qui s’attendent à acheter une eau pure et non traitée. Les eurodéputés écologistes partagent cette indignation, fustigeant une « déréglementation » qui valide des pratiques illégales et envoie un signal désastreux.

Le Cas Spécifique de Perrier

L’eau Perrier, par exemple, contient naturellement du fer et du manganèse. Historiquement, elle subissait déjà une aération et une filtration pour les retirer – des traitements permis par la loi. Mais les nouveaux traitements non autorisés comprenaient la microfiltration sous les 0,8 micromètres, une pratique formellement interdite car elle altère la pureté originelle de l’eau. Désormais, cette microfiltration très fine sera tolérée si elle est « nécessaire pour garantir la sécurité sanitaire » de l’eau et qu’elle n’altère pas ses « caractéristiques essentielles ».

En clair, la France a choisi de plier les règles pour permettre à des géants comme Nestlé de continuer à vendre leurs marques phares, quitte à brouiller la définition de ce qui est « naturel ». Les consommateurs, eux, devront désormais se demander si l’eau « minérale naturelle » qu’ils achètent est vraiment aussi intacte et pure qu’ils le pensent.