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Pourquoi les pandémies de peste ont-elles duré aussi longtemps?

Pourquoi les précédentes pandémies de peste ont-elles duré aussi longtemps ? C’est une question que les chercheurs se posaient depuis des siècles. Grâce à l’avancée scientifique, mais aussi à l’essor du séquençage ADN, on peut maintenant avoir des réponses plus précises.

Il y a tout d’abord la complexité du cycle de reproduction du bacille de la peste, le Yersinia pestis. Ce microbe est un parasite bactérien qui est incapable de se multiplier à l’air libre mais se trouve en très grande quantité dans l’intestin des puces de rats, qu’elles transmettent aux rats, et par extension, aux hommes. Or, ces puces peuvent parasiter d’autres animaux, et sont capables d’engendrer des populations de micro-organismes colossales, générant ainsi de fortes variations génétiques.

Étudiant des études épidémiologiques de la peste noire (1348-1350), mais aussi celles de 1894 à 1899, les chercheurs ont fait des comparaisons entre des échantillons de bactéries tirés d’os humains de cette période. Ces chercheurs ont trouvé des différences inattendues entre les souches de microbes en seulement deux ans.

Ces découvertes suggèrent en effet que le bacille Yersinia pestis peut changer de manière agressive son mode de propagation. Par exemple, la souche bubonique, la plus connue, se propage très rapidement, alors que la variation pneumonique, bien plus rare, est transmise de personne à personne par les expectorations et peut tuer un porteur en moins de 24 heures si elle n’est pas traitée. Cela rend la transmission de la souche particulièrement efficace et explosive.

Souvent, les épidémies de peste sont divisées en trois étapes. La première est l’endémie, quand la peste est présente mais maîtrisée en l’absence de transmission d’homme à homme. Puis vient la période épidémique quand se produit une survenue très rapide du mal dans certaines régions géographiques. La troisième phase est celle qui se produit en agglomérations souvent surpeuplées, comme les villes médiévales. Ici, les rats, les populations humaines et les bactéries sont serrés les uns contre les autres et les épidémies sont inévitables.

Sur le plan génétique, certaines souches du bacille sont capables de sauter directement d’un hôte animal à un autre, un rongeur à l’homme ou un homme à un autre. Les virus ont une petite quantité d’ARN qui leur permet de muter, et avec le temps, le bacille s’adapte à d’autres hôtes, mutant au fur et à mesure.

Outre une mutation rapide, le bacille de la peste a également une capacité à perdre des gènes clés que l’on appelle les gènes de virulence. Dans le cas de la peste, c’est un gène appelé pla qui jouait un rôle clé pour certaines souches à la fin du XVIe siècle, mais qui a depuis disparu sur nombre de variantes au fil du temps. Le fait qu’il perde certains gènes clés sans que les microbes ne meurent permet au bacille de rester dans la nature sans réinfecter les communautés humaines.

La science a voulu comprendre pourquoi les précédentes souches de peste avaient disparu d’elles même, car il n’existe plus de rats porteurs du bacille en Europe par exemple. En réalité, on pense que c’est plutôt les modifications génétiques du bacille et le développement de variantes capables d’infecter un hôte animal différent qui auraient pu empêcher des propagation massive. L’évolution rapide de la bactérie, due à des facteurs environnementaux, sociaux et écologiques pourrait conduire à son auto-limitation comme c’est le cas aujourd’hui.

La peste moderne est caractérisée par la présence de trois souches, dont la plus connue bubonique, qui cause encore des cas de bubons en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, quoique moins fréquemment. Elles sont aisément accessible, car cela reste un choix de carrière pour la recherche en épidémiologie. La résistance aux antibiotiques d’aujourd’hui et les conditions de vie améliorées de l’humanité rendent le bacille encore plus difficile à utiliser. C’est une des raisons pour laquelle elle a disparu des pays riches.

Les chercheurs ne pensent pas pour autant que la peste retrouvera sa place de plus grande maladie infectieuse du monde, mais son étude complète rendra possible d’empêcher d’autres pandémies à venir en détectant des dérives génétiques chez des microbes beaucoup plus banals.

Toutefois, cette étude implique un examen des changements génétiques dans une population microbienne, chose qui ne peut se faire sans l’accès au séquençage de l’ADN, capacité que même des pays riches ne maîtrisent pas. Malgré tout, on sait que l’évolution des microbes dans notre environnement se fait toutes les secondes, avec des cas de mutations expliquant pourquoi certaines régions du monde restent épargnées.

Auteur/autrice

marco.pelerin@gmail.com

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